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Le blog d Artemisia L
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La Faille

La Faille

Yvonne.

 

Tu n'es plus que silence, mais un silence atroce tonitruant. Depuis des mois, des années, tassée sur toi-même, à repousser de toutes tes forces l'horreur du vide devant toi.

Tu as perdu contact. On dit que tu es sourde, mais dans ta tête, abominable cauchemar ! grondent, hurlent les affolants vacarmes de toutes tes luttes, de toutes tes souffrances, de tous tes deuils, qui explosent en grincements, en cris, en déchirures. Tu n'entends plus les voix qui te parlent, mille voix ont pris la place.

Tu ne vois plus ; ce n'est pas un doux brouillard gris, mais des fulgurances, des incendies, et ce mur terrifiant où s'agitent des ombres.

Tu as perdu tous ceux que tu aimais. Depuis combien de temps, pas une caresse sur ta main, ta main froide ? Mais ce contact-là ne serait plus qu'une brûlure.

Tu es seule, mais envahie de morts, de souvenirs qui se bousculent. Tu as perdu les noms, les visages, jusqu'à ton propre nom. La tâche blanche où se perdent les mots gagne lentement jusqu'aux bords ultimes de ta conscience. Tu n'es plus qu'elle, tu te fonds en elle - jusqu'à l'épouvante.

L'espace de ton regard s'est rétréci. Il se rapproche, inexorablement, et t'étouffe. Tu as perdu tes repères. Tu es dans une chambre anonyme. Les visages sont anonymes. Tu n'as plus de présent, et tu ne comprends pas.

"Pourquoi suis-je ici ?" nous dis-tu souvent. Pourquoi ?

Naufragée du temps, naufragée du monde, enfermée dans une douleur qui n'aura de fin que dans une mort que tu ne sais même plus attendre... Tu n'as plus de refuge que dans le sommeil, ce lourd sommeil sans rêve.