Le film de Xavier Giannoli, superbement interprété par François Cluzet et
Emmanuelle Devos, rappelle quelques mauvais souvenirs aux Sarthois. Transposé dans le Nord, il raconte une improbable histoire d'escroquerie, pourtant rigoureusement vraie.
Un chantier d'autoroute a été stoppé sous la pression des écologistes, qui voulaient sauver le petit scarabée pique-prune, espèce rare et protégée ; mais cela avait coûté bien des emplois à une
région déjà sinistrée... Alors, un jour, un homme providentiel est arrivé ; il promettait de faire redémarrer le chantier. Et parce que tout le monde avait envie de croire au miracle, tout le monde
a cru à son histoire. Et lui-même s'est laissé embarquer... au point d'y engloutir jusqu'à l'argent malhonnêtement gagné !
Le film est beau. Parce qu'ici, tout le monde est profondément humain, les ouvriers qui se donnent à fond parce qu'ils en ont bavé, et voudraient tant retrouver travail et dignité ; les
fournisseurs qui veulent à tout prix le chantier, même pour un pot-de-vin - mais c'est l'économie de toute une région qui en dépend ; Mme la Maire, une femme seule, qui voudrait croire au
double miracle de pouvoir sortir sa ville de la misère, et de rencontrer elle-même un nouvel amour ; jusqu'au banquier, qui fait confiance (aujourd'hui, cela tiendrait franchement du conte de
fée !) ; et le petit jeune homme, un peu délinquant, mais qui aimerait tant s'en sortir avec sa copine... Alors même si le spectateur sait d'avance la fin de l'histoire (et le spectateur
sarthois plus que tout autre !), on se laisse embarquer...
Et puis, le film est esthétiquement réussi. Parce qu'un chantier cela peut être beau, malgré (ou à cause de ?) la pluie et la boue ; parce qu'il y a quelque chose de grandiose dans le
fantastique ballet des camions et des pelleteuses, le vacarme des moteurs, les lumières...
Parce qu'à côté des acteurs chevronnés, Gérard Depardieu dans une apparition toute en lourdeur inquiétante, François Cluzet magnifique, tantôt perdu, tantôt exalté, Emmanuelle Devos en femme
attachante et pathétique, il y a les seconds rôles, Soko, qui joue Monika, serveuse dans un hôtel, qui sera embauchée comme secrétaire, et Vincent Rottiers, qui à seulement 23 ans, enchaîne les
prestations (il jouait déjà dans
Je suis heureux que ma mère soit vivante).
Le vrai "héros" de cette histoire a aujourd'hui disparu, peut-être mort. Mais l'autoroute a finalement été construite, et par les ouvriers qu'il avait embauchés. Elle relie Le Mans à Tours ; quant
au pique-prune, il a simplement été déplacé, et va très bien. Et les Sarthois se pressent aux "Cinéastes" pour voir le film, non sans quelque émotion...