François 1er (1515-1547) est sans doute à la fois le Roi le plus illustre de la Renaissance, et aussi l'un des plus méconnus, tant la légende à son sujet l'emporte sur la connaissance historique.
Robert J. Knecht, professeur émérite à l'Université de Birmingham, retrace chronologiquement son règne, sous tous ses aspects, dans un ouvrage remarquable de 1994, traduit en 1998 sous le titre : "un prince de la Renaissance, François Ier et son royaume" (Arthème Fayard, 697 p.)
François 1er y apparaît sous un jour contrasté, avec ses grandeurs, et ses faiblesses.
François 1er fut d'abord un souverain remarquable :
- Brillant homme de guerre, diplomate retors, il eut à affronter les deux plus grands chefs de guerre de son époque, Henri VIII d'Angleterre et Charles Quint. Face aux appétits de ces deux prédateurs, il réussit à peu près à conserver l'intégrité de son royaume, en particulier la Bourgogne – malgré de lourdes défaites et de terribles imprudences.
- Il a contribué à unifier le royaume, s'efforçant de simplifier et de rationaliser la fiscalité et la justice, ainsi que l'administration ; malgré l'opposition des Parlements et de quelques grands nobles, comme le connétable de Bourbon, il établit les bases d'une monarchie absolue. On lui doit entre autres l'ordonnance de Villers-Cotterets, qui fit du français la langue officielle du royaume.
- Il fut le premier Roi de France à s'intéresser aux conquêtes outre-mer, et à concurrencer Espagnols et Portugais sur mer ; il encouragea les explorations de Jacques Cartier en Amérique du Nord.
- Surtout, il donna à la France un rayonnement artistique et culturel sans précédent ; il fit venir les plus grands artistes d'Italie (Rosso, le Primatice, Léonard de Vinci) et encouragea les artistes et les écrivains français, de Goujon (au Louvre) au poète Clément Marot. Il fit construire ou agrandir de nombreux châteaux (Fontainebleau, le Louvre, Saint-Germain-en-Laye) ; bibliophile et collectionneur, sa bibliothèque personnelle fut l'embryon de la Bibliothèque Nationale (il inventa même le dépôt légal), et sa collection d'oeuvres d'art fut celui du Musée du Louvre. Il fonda également le futur Collège de France (Collège des Lecteurs Royaux).
Mais cette oeuvre considérable est aussi ternie par bien des défauts :
- Il fit souvent passer son intérêt personnel avant ceux de ses sujets, ou de ses voisins ; il n'hésita jamais à renier sa parole, aussi bien pour rejeter un traité pourtant signé, pour trahir ses alliés ou les laisser tomber quand cela l'arrangeait ; ainsi abandonna-t-il les Princes protestants d'Allemagne...
- En matière de religion, s'il sembla d'abord éprouver quelque tolérance, à défaut de sympathie, pour les Évangélistes et les Réformés, il n'hésita jamais à se livrer à de féroces persécutions lorsque l'alliance ou la bienveillance du Pape lui étaient utiles ; il fit massacrer les Vaudois en avril 1545 sans états d'âme.
- Il multiplia les guerres, parfois de manière bien imprudente ; obsédé par sa volonté de s'emparer de Milan – ce qu'il ne parvint jamais à réaliser – il fit souvent bon marché à la fois de ses alliances, de ses promesses, de la vie de ses sujet... et des finances du royaume.
- Perpétuellement à court d'argent, il fit peser sur son peuple une pression fiscale encore inédite.
Un Roi absolu ?
L'ouvrage de Knecht s'achève sur cette interrogation. François 1er prépara Louis XIV, mais ne fut pas Louis XIV. Il dut composer, moins avec la haute noblesse féodale, qu'avec les Parlements de Paris et de Province, qui n'enregistrèrent pas ses ordres sans de vives résistances ; avec l'Université, notamment celle de théologie... et avec les particularismes de toutes sortes.
En somme, la France sortit du règne de François 1er plus unifiée, plus prospère et plus prestigieuse qu'elle y était entrée ; mais des menaces se profilaient :
- les persécutions religieuses n'avaient pas fait disparaître l'hérésie, mais avaient au contraire radicalisé les positions ;
- la vente des offices, destinées à renflouer les finances royales, avait créé des dynasties d'officiers propriétaires de leur charge, qui allaient également constituer un contre-pouvoir face au Roi.
Pour qui aime l'histoire, et la Renaissance, le livre de Robert J. Knecht est un compagnon indispensable.