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Le blog d Artemisia L
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Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates

Avec un titre aussi improbable, et encore pire en anglais ("The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society") les américaines Mary Ann Shaffer et Annie Barrows couraient le risque de faire fuir le lecteur.

Et pourtant, c'est un objet charmant, inattendu, délicieux comme une patisserie anglaise que nous avons entre les mains, un roman épistolaire typiquement british, légèrement désuet... Charmant. Je me répète, mais cet adjectif me semble résumer à lui seul le roman.

Une jeune femme écrivain découvre, un peu par hasard, comment les habitants de Guernesey, occupés pendant la guerre, se sont inventés un "cercle littéraire" pour échapper aux foudres des Allemands parce qu'ils avaient manqué le couvre-feu, et comment cette fiction, peu à peu, est devenue réalité...

Guernesey a connu son lot d'horreurs : les humiliations, la faim, l'obligation d'évacuer les enfants, et de rester sans nouvelles d'eux pendant cinq ans, la présence des prisonniers de "l'opération Todt", de jeunes Polonais de seize ans traités comme des bêtes, les arrestations arbitraires, la déportation... Il y a eu, là comme ailleurs, des dénonciations, des crimes...

Et pourtant, règne une sorte de sérénité, dans cette micro-société soudée qui découvre, parfois pour la première fois, le goût de la lecture. Ils ignorent la haine, ont admis la liaison d'Elizabeth, l'une d'eux, avec un soldat allemand, il est vrai humain et lettré, et l'enfant qui est née, Kit, est élevée en commun par tous après la déportation de sa mère. Si la malveillance règne à l'extérieur du cercle, à l'intérieur s'expriment solidarité, fraternité, amitié.

A tel point qu'à la grande satisfaction du lecteur, notre jeune écrivain décide de rester dans l'île, d'épouser l'un des membres du cercle, et d'adopter Kit...

Douceur et humour, épicurisme tranquille, et un amour de la littérature qui ne pèse jamais ni ne pose ; et si l'ombre d'Oscar Wilde traverse un instant l'île, c'est pour consoler une petite fille...