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Le blog d Artemisia L
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Avant-Garde

Avant-Garde

Nous n’écrirons plus en alexandrins.

Finies les strophes régulières, les rimes riches comme les pâtes, la césure bien à sa place. Fini le lyrisme séculaire et si sûr, « Ô ma Sarth-eu joli-eu… » Finis la campagne, les amours adolescentes, les révoltes humanistes, les oiseaux et les fleurs, même celles du Mal.

            A présent, vive l’Avant-Garde.

            Mais qu’est-ce donc, l’Avant-Garde ?

Ne pas écrire ce qui a déjà été fait. Ne marcher sur les traces ou les brisées de personne.

Ne pas parler de sexe, de ce sexe triste et obscène qui est la marque de la modernité. Mais le sexe gai - c’est à dire rabelaisien, gaulois, la gaudriole, quoi ! Non, pas la gaudriole, quelque chose de plus libre, de plus profond, de plus anarchiste… Verheggen.

Ne pas triturer les mots, je veux dire leur apparence. Ne pas jouer avec les interlignes, les corps de lettres. M’en tenir à un 12 points, ou seulement 10, bien naturel et classique. Les lettres énormes, triturées, plastiquement belles, mon traitement de texte le fait tout seul et fort artistiquement. Cela s’appelle « Word Art », tout un programme. Et tout cela, fait, refait, depuis les Calligrammes d’Apollinaire, jusqu’à l’écœurement…

Ne pas jouer avec « l’ortografe » ni « lortograf ‘ », à quoi bon : Kati Molnar. Cela aussi, fait et refait.

Ne pas abandonner la syntaxe : une langue sans grammaire, Kati Molnar encore. Et ces longues interminables phrases sans lien sans respiration sans ponctuation jusqu’à la suffocation au secours, déjà fait déjà vu aussi : Cadiot, Demarcq, Verheggen, et tant d’autres.

Et les phrases minimales, sujet-verbe, verbe tout seul ou sujet tout seul, déjà fait aussi. Et les phrases disloquées, déjantées, bancales…

            Et bien sûr, pas ce langage populaire, « prolétèr », argotique même… Il y a bien longtemps que les mots « merde », « cul », « con » (au sens étymologique bien sûr) font partie de tout dictionnaire du Petit Poète Moderne… A vous donner envie d’un langage précieux, d’un bel imparfait du subjonctif… Mais il doit bien y avoir, au fond des provinces poétiques, quelque avant-gardiste amateur du Littré, obsédé du Grévisse, ou fanatique de Vaugelas.

Les sons syncopés devenant musique - ou bruitage - Gysin et quelques autres, Dufrêne et même Artaud. Les onomatopées, Demarcq et sa drôle de basse-cour.

            Ni amour, ni sexe ; ni politique, ni actualité - sauf bien sûr pour la dérision, mais la dérision devient elle aussi un cliché… Et ne pas parler de ce texte en train de se faire, ne pas parler de POESIE !

            Alors, écrire sur… rien ? Sur le rien ? Abandonner non seulement toute narration, mais encore toute sémantique, en arriver au langage minimal, jusqu’à la page blanche ? Le minimalisme, voilà qui sent déjà son classique, son poussiéreux, son déjà vu…

 

            Alors, Bon Dieu, que reste-t-il à faire ? ! ?